Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
En pays Ladakhi
En pays Ladakhi
Archives
6 février 2016

Entre deux eaux - J12

Mercredi 7 mai 2014

Les chiens ont fait la sarabande toute la nuit. A 1h30, quand je me suis réveillée, je les entendais courir entre les tentes. Il y en avait même un qui grognait tout près. Là, classique, on commence à se faire des films : et si c’était pas un chien, mais un loup ? C’est pas un maigre mur de toile qui va me protéger. Mais qu’est-ce que je fiche toute seule dans cette tente ? Pour me rassurer et me rendormir, je me raisonne en me disant que les chiens sont là pour protéger des loups. Bon, en fait c’est stupide. Mais ça marche (ça et les bouchons d'oreilles). En plus le duvet est super efficace, et je dors bien au chaud jusqu’à 5h30.

Ladakh 257

Il commence à faire un peu plus clair. Certains sont déjà debout depuis longtemps. Dalhia a été malade, et ce matin c’est pas la grande forme. Le thé arrive à 6h30, puis l’eau chaude, et nous nous retrouvons bientôt pour le petit déjeuner. « En terrasse », car la tente du mess a déjà été démontée. Tout le monde est emmitouflé, recroquevillé sur son pliant, les mains autour de sa tasse, mais bizarrement, je me sens bien. On est au soleil, le ciel est bleu, limpide.

Ladakh 258

Nous partons à 8h pour le point de vue sur le lac Tso Moriri. Le vent est tombé, le paysage est transformé. C’est superbe. On reste là un petit moment, et Cath et Sanjay entament la construction d’un stupa.

Ladakh 286

Sur la route qui nous conduit à Tso Kar, nous recroisons les nomades en train de sortir les troupeaux. Puis nous nous arrêtons au bord du petit lac Kyagar pour quelques photos. Il paraît qu'on appelle le coin Marmotte Land. Je me demande bien pourquoi... Le lac est complètement gelé. Un peu froid pour les marmottes, non ? A défaut, nous avons la chance de voir quelques ânes sauvages. De loin. Un peu mieux que ceux que nous avons vu la veille dans la tempête. Mais loins quand même.

Après avoir repassé le col, nous bifurquons vers le village de Sumdho où nous avons prévu d’apporter des fournitures pour l’école. Il s’agit d’un internat pour les enfants de nomades tibétains entre 3 et 8 ans, géré par « SOS Villages d’Enfants ». Les enfants sont en classe, soit en train de jouer pour les plus petits, soit en plein cours. Aussi, nous essayons de nous faire discrets pendant la visite. Comme partout, il y a les studieux, les bûcheurs, les têtes, et puis les autres qui doivent se donner un peu plus de mal. Leurs moyens sont particulièrement rudimentaires, tout comme leurs installations.

Ladakh 311 Ladakh 306 Ladakh 302

Au moment de la récré, tout le monde se retrouve dehors et les surveillantes distribuent la « collation » du matin. Nous on en profite pour s’éclipser.

Ladakh 314

Et nous voilà de nouveau sur la route. Plus loin nous débouchons sur une vallée aux étonnantes couleurs jaune, brune et blanche : les sources chaudes de Puga.

Ladakh 316

Les eaux soufrées charriées par la rivière déposent sur ses rives leurs résidus et créent de véritables peintures. De la plaine, montent par endroits des jets de vapeur et quelques mini geysers. Au milieu de tout cela, des troupeaux de chevaux et de yacks en liberté paissent dans l’herbe rase. On doit faire tâche, avec nos voitures, dans ce paysage des premiers temps du monde.

Il devient de plus en plus urgent de faire une pause technique. Mais il n’y a pas un endroit pour s’abriter, dans ce désert de roche. Il va falloir tenir jusqu’au Pologongka La, l’un des cols qui culmine à 4950 mètres. La halte déjeuner se fait après le passage du col, au milieu d’une prairie à l’herbe rase. Il fait bon au soleil, mais je n’ai pas très faim. La voiture à outrance, ça creuse pas. Mais malgré tout, on a la chance de voir de nouveau quelques ânes sauvages.

Ladakh 321

Nous sommes maintenant tout près du lac Tso Kar, qui signifie « eau blanche ». Il s’agit d’un lac salé dont la superficie a fortement diminué depuis quelques années. D'ailleurs, ses abords sont tapissés de dépôts de sel. Il est probable que, tout comme la mer d’Aral, il n’en restera bientôt plus rien. Tout autour du lac pâturent des troupeaux de chèvres pashminas aux longs poils soyeux, de yacks, ainsi que quelques moutons et chevaux. Ces chèvres sont la richesse de cette terre (si tant est qu’on puisse parler de richesse). Leur laine est parmi la plus douce, la plus chaude, et la plus recherchée qui existe, loin devant l’alpaca. Tiens, si j’adoptais une chèvre, pour les longues soirées d’hiver ? (C’est Carole qui serait contente de venir chez moi !)

Ladakh 329

Trève de plaisanterie : moi, ça va pas des masses. L’estomac et les intestins commencent à faire la grimace. Courage, il faut tenir le coup, au moins jusqu’au camp. Nous longeons maintenant le lac, rencontrant sur notre chemin plusieurs campements nomades, ou parfois seulement les murs de pierres formant des enclos ou des emplacements de tentes. Les nomades viendront s'y ré-installer dans quelques temps. Mais toujours pas le nôtre, de camp. Il y a deux emplacements possibles, et Sanjay et Dorjay se demandent où le staff s’est installé. Quand nous les retrouvons enfin, ils sont en train de lutter pour monter les tentes. Ils ont dû mettre le camion en paravent, auquel nous ajoutons les voitures.

Ladakh 332

Le vent commence à souffler sévèrement, et vu mon état, j’aime autant me réfugier dans la voiture où je commence à somnoler en attendant d'avoir une tente. C’est le moteur de la voiture qui me réveille. Hou là ! Je suis un peu grognon, moi. Peut-être qu’un peu de thé me fera du bien. Nous nous installons sous la tente du mess, mais les bourrasques se font plus violentes, et nous voilà soudain au cœur de la tempête de sable qu’on voyait approcher. Il ne reste plus qu’à tenir les mâts de la tente, tandis que le staff consolide l'installation.

Ah ça y est, les toilettes sont montées ! Enfin ! Allez, avec mes copains Spasfon et Vogalène, on va inaugurer. Il faut aussi penser à calculer les pourboires pour le staff, car c’est notre dernière soirée avec eux. Allez savoir pourquoi je pense à ça aux toilettes, moi. Parfois, on pense vraiment à n’importe quoi, aux toilettes.

Ladakh 335

A 15 heures, nous repartons pour le lac. Les rives sont recouvertes de dépôts de sel, légèrement soufrés.

Ladakh 341

La beauté du ciel et des nuages donne envie de tout prendre en photo. Il y a les troupeaux, aussi. Ces chèvres sont magnifiques (elles pourraient presque concurrencer les vaches Aubrac… Mais bon, faut pas pousser non plus). Comment un pays aussi désert, désolé, inhospitalier, peut-il être aussi beau ?

Ladakh 356

Nous voilà de retour au camp. Le temps de faire un brin de toilette et de préparer les enveloppes pour le staff, et c’est l’heure de l’apéro. Le vent n’est toujours pas tombé, mais la lumière est extraordinaire. Et heureusement, sous la tente du mess, on est à l’abri malgré les rafales. Avec Dalhia, on fait sobre ce soir. Dommage pour la dernière soirée de camp. Mais il faut savoir raison garder. Pour le repas qui suit l’apéro, je me contenterai d’un peu de riz et d’une patate. Alors que j’aurais bien aimé faire une dernière fois honneur à la cuisine de notre chef qui s’est surpassé à chaque camp. Bon, je vais quand même goûter au super gâteau marqué « Good Luck ». Parce que réussir à faire cuire un gâteau à cette altitude avec les moyens du bord, c’est une véritable prouesse !

Ladakh 367

Soudain, sur la fin du repas, nous sommes dérangés par des bêlements. Une petite biquette égarée pointe bientôt son museau à la porte de la tente. Elle n’est pas rentrée avec son troupeau, et la voilà seule dans la nuit noire, cherchant réconfort et sécurité - elle a vu de la lumière, et elle est entré -. C’est qu’une fois la nuit venue, celle qui n’est pas dans les enclos a peu de chances de survie (Merci les gars, d’éprouver notre pauvre sensibilité féminine avec votre réalisme déplacé). Gros dilemme : qu’est-ce qu’on peut faire ? Il faudrait la ramener à son troupeau. Oui mais lequel ? et dans la nuit, comme ça ? On sait même pas où sont les nomades. En plus, faut pas trop se balader seul, une fois la nuit tombée. C’est la nature sauvage, ici. Quoi la sélection naturelle ? Elle peut aller se faire voir, la sélection naturelle ! A quoi on nous répond : « Qui veut la prendre avec elle sous sa tente ? »

Finalement, problème réglé : Blanchette s’est couchée entre nos deux voitures garées nez à nez, et les gars du staff ont installé les sacs des tentes tout autour d’elle pour la protéger des prédateurs.

Bon, là il fait très très froid. Les bouillottes et la couverture en mains, je rejoins mes quartiers, me shoote au Smecta pour la nuit et me glisse dans le super duvet « températures extrêmes ». Extinction des feux à 20h30.

Ladakh_map_J12

Publicité
Commentaires
En pays Ladakhi
Publicité
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 2 832
Publicité